La charte de 1182, fonde Marmande

C’est donc une agglomération fortifiée se développant autour d’un château que Richard-Coeur-de-Lion délivre en 1182, la charte de coutumes et de liberté qui favorise l’expansion et l’enrichissement de la toute jeune cité grâce aux péages établis sur la Garonne mais aussi, grâce aux franchissements concédés aux habitants. Il faut souligner que les souverains successifs veilleront à confirmer ces coutumes tout au long des siècles en 1340 par Edouard II d’Angleterre, en 1517 par François 1er, en 1565 par Charles IX, en 1610 par Louis XIII…

Cette charte est véritablement l’acte de naissance de Marmande.

Malgré l’octroi de cette charte et l’esprit qui l’anime, il est difficile d’assimiler Marmande à une bastide et les historiens de l’urbanisme se refusent à le faire bien qu’il y ait eu un parallèle entre les motifs qui incitèrent Richar-Coeur-De-Lion à effectuer cette fondation et ceux qui firent créer les bastides au siècle suivant, c’est le besoin impérieux pour assurer son emprise sur un territoire, de fixer une population théoriquement sûre en raison des avantages qui lui sont garantis.

Ce besoin est ressenti par Richard-Coeur-De-Lion car le rattachement de l’Aquitaine et de la Gascogne à la couronne d’Angleterre par le mariage d’Eléonore d’Aquitaine avec le roi Henri II Plantagenêt n’est pas accepté de tous. Nombreux sont ceux qui n’admettent pas cette domination étrangère qui, cependant a mis un terme à toute une série de luttes de succession. Marmande, grâce à l’expansion qu’elle prendra, restera durant plusieurs siècles un des verrous assurant la sécurité de la capitale de l’Aquitaine tant sur le plan politique qu’économique.

C’est à la fin du XIème siècle , début du XIIème siècle qu’apparaît pour la première fois le nom de « mirmande » qui donnera Marmande . Une mirmande est à l’époque médiévale une place forte, une ville fortifiée. C’est la thèse de M. Higounet qui l’appui par un extrait de « Blancadius », roman d’aventure du XIIIème siècle : « Blanc, au vilain demande comment a nom cette mirmande ? ». Dans la « chronique Albigeoise » Simon de Montfort demande au sire Robert de Mauvezin « qu’il alast a une noble ville qu’en apele la Mirmande, qui avait esté du Comte de Tholose ».

A l’extrême fin du XIIème siècle vers 1196, l’Agenais est donné par Richard-Coeur-de-Lion en dot à Jeanne D’Angleterre sa soeur, qui épouse le comte Raymond VI. Ce passage de Marmande dans la maison de Toulouse n’empêche pas la cité de s’enrichir avec les péages.

Marmande dans la Guerre contre les Albigeois

A l’aube du XIIIème siècle le ciel de notre cité va s’obscurcir avec la Guerre contre les Albigeois ou Guerres Cathares. Le catharisme est une doctrine qui repose sur un dualisme fondamental, semblable au manichéisme : le bien et le mal. Le monde matériel est l’oeuvre du Dieu mauvais. Seules, les âmes humaines sont la création du Dieu bon. Il s’agit donc pour le cathare, de rejeter tout ce qui peut altérer son âme : le monde matériel. Cette doctrine est regardée comme hérétique et une croisade est lancée en 1209 pour la combattre. Il faut souligner que les contrées méridionales sont dotées d’une profonde et très fine culture, de plus, elles sont riches et puissantes. Cette richesse excite l’envie et très rapidement, à la lutte contre l’hérésie cathare se substitue une lutte d’intérêts dont le catharisme reste le prétexte. Une puissante réaction ne tarde pas à s’opérer en faveur des albigeois, même le Pape désapprouve ces actes et ordonne de cesser la guerre… Il ne sera pas entendu!

A l’appel de l’évêque d’Agen, Simon de Monfort, commandant de l’armée des croisés s’empare de l’Agenais en 1212. Par trois fois, Marmande est prise et reprise successivement par les croisés en 1212, 1214 et 1219. et par trois fois, Marmande revient sous l’obéissance du Comte de Toulouse, son vrai suzerain. Le dernier siège de 1219 organisé par le futur Louis VIII et Amaury de Monfort, le fils de Simon, est plus que sanglant avec dit-on 5000 victimes, Marmande est à terre, ses murailles brisées, son agglomération détruite et incendiée, sa population massacrée…

Dès 1224, Marmande se relève rapidement par un traité d’assistance mutuelle entre elle, Agen, Condom, Mézin, le Mas d’Agenais, Port-Sainte-Marie mais le souvenir de la guerre et de ses effets désastreux demeure vif. En 1243, un document mentionne le nom de 8 consuls et de 250 bourgeois marmandais (Ce chiffre est considérable pour l’époque). L’examen de leurs noms, nous montre l’origine des familles venues s’installer à Marmande après le massacre de 1219, c’est le témoignage d’un grand mouvement de population venant des Pyrénées, de Provence, du Béarn, de Germanie ou Picardie, de Bourgogne, du Massif Central, de Normandie.

Ces 250 familles donnent une population de 1000 habitants. Le chiffre de 5000 habitants massacrés en 1219 semble donc bien exagéré!

Marmande anglaise, Marmande française, la Guerre de 100 ans

Après les heures sombres de la Guerre contre les Albigeois, Marmande entre 1271 et 1442 va changer sans cesse de suzerain.

Une des principales causes de la Guerre de 100 ans est la revendication du trône de France par le roi Henri III d’Angleterre, fils d’Isabelle de France. La loi excluant les femmes de la couronne, c’est Philippe, frère de Philippe le Bel qui accède à la royauté sous le nom de Philippe VI de Valois. De victoires en défaites, les français luttent contre les projets anglais de consolider leur présence en France. La Guerre de 100 ans dure en fait 115 ans de 1337 à 1453.

Comme nous l’avons déjà écrit, Marmande est un lieu stratégique, une place forte puissante, riche, une ville sûre avec son château, ses murailles et la Garonne comme voie de communication. Chacun des belligérants cherche à s’en emparer. Toute la région sortira affaiblie de cette guerre. Entre 1300 à 1442, Marmande subit douze sièges pour ne compter que les plus importants.

Sous l’administration d’Alphonse de Poitiers, le fondateur de nombreuses bastides, Marmande et son centre de péage grandit grâce au trafic sur la Garonne et grâce à l’ouverture du Lot à la navigation, désormais, une liaison fluviale avec Cahors est possible ce qui ouvre une nouvelle « route » commerciale.

Le renouveau spirituel à Marmande

Vers 1245 débute la construction de Notre-Dame de Marmande dans un style anglo-normand, vers 1265 voit naître la grande période des constructions religieuses. Le Couvent des Cordeliers s’installe à proximité des murailles, en 1295, l’Ordre de Grammont fonde un prieuré de religieux à Garrigues.

En 1305, un événement religieux et politique survient, d’une importance capitale pour toute la région, l’accession au trône pontifical de Bertrand de Got sous le nom de Clément V. Encore Archevêque de Bordeaux, il passe à Marmande en 1304. Le nouveau pontife fait preuve d’une très grande générosité envers sa région d’origine : nominations, privilèges, donations…

Son successeur, Jean XXII, élu en 1316 poursuit la même politique. Il s’arrête à Marmande le 14 septembre 1326 et visite « ecclésia de Marmanda, prior de Marmander, capella de Marmanda… ».

Marmande de la fin du XIVème siècle au XVème siècle

Les consuls décident vers 1324 la construction de la deuxième enceinte, celle-ci est achevée dans les années 1386.

Le Prince Noir décède à Londres en 1376, son père l’année suivante. Il laisse le trône d’Angleterre à un enfant de dix ans, Richard II. Le roi de France Charles V le Sage meurt en 1380 et tout est perdu par la suite de la folie de Charles VI et de la cruelle querelle entre Armagnacs et Bourguignons. Une nouvelle fois, Marmande souffre de cette lutte fratricide.

Bernard de Lesparre est chargé dés 1383 de la garde du château de Marmande. Il conserve cette charge jusqu’en 1403 pour le compte du roi d’Angleterre mais la trêve ayant expirée, les français reprennent le château.

C’est dans ces années là que Marmande sous l’impulsion anglaise développe la culture de la vigne car les anglais, grands amateurs de vins et plus particulièrement du fameux « claret » ne peuvent plus l’importer des pays de la Charente.

En 1414, Charles VI voulant dédommager Marmande qui « avait donne des preuves distinguées defidélité des pertes qu’elle avait souffertes… et la mettre en état d’entretenir ses fortificationsl’exempte du péage et autres impôts dont sont déjà exempts les habitants d’Agen, de Condom et de Villeneuve-sur-Lot.

Il accorde également le privilège que la ville puisse rajouter sur son blason les trois fleurs de lys, symbole de la royauté française.

Ainsi, à partir du XVème siècle, le blason de Marmande représente quatre tours qui correspondent aux quatre premières portes de la cité : Porte de Puygueraud, Porte del Troussepis, Porte de Lestang et Porte de la Mâ. (Voir reproduction page suivante).

Sur le plan héraldique, le blason est de gueules à quatre tours crénelées d’argent maçonnées de sable, posées en croix et confrontées par leur pied entre lesquels est posée une croix potencée aussi d’argent, au chef d’azur chargé de trois fleurs de lys d’or. (Voir page suivante).

Marmande est anglaise jusqu’en 1427 jusqu’au jour où elle redevient définitivement française en 1442. Cette date marque la fin des combats entre la France et l’Angleterre pour la domination de la Guyenne.

Lorsque le roi Charles VII, aidé de la Hire, de Poton de Xaintrailles et de Rodrigue de Villandro, entreprend la reconquête de la Guyenne, il prend par assauts ou par capitulation toutes les villes en bordure de la Garonne qui contrôlent le cours du fleuve jusqu’à Saint-Macaire. Il reçoit à Agen les clefs de Marmande tandis que le sire de Roquetaillade lui livre le château et sa garnison. Les textes de l’époque évoque le château avec « son gros donjon entouré de tours qui défendait le pays des Landes entreBazas et Langon

Le roi séjourne à Marmande du 24 septembre au 1er décembre 1442.

Marmande au XVIème siècle, dans la tourmente des Guerres de Religion

Au début du XVIème siècle vers 1505, l’épidémie de peste qui ravage l’Agenais et toute la Guyenne, décime la population de Marmande. On fait venir des colons de Bourgogne et de Franche-Comté pour la repeupler.

En 1525, les bourgeois de Marmande vendent la châtellenie de Gaujac pour contribuer comme Clairac, à payer la rançon du roi François 1er qui avait été fait prisonnier à Pavie et détenu à Madrid.

Dans les années 1548, devant la lourdeur excessive de la gabelle, la population de Marmande se soulève. Cet acte de rébellion est sévèrement réprimé par le connétable Anne de Montmorency; huit bourgeois de la ville, tenus pour responsables d’avoir sonnés le toscain pour appeler les Marmandais aux armes sont étranglés puis pendus pour l’exemple.

A partir de 1550, la nouvelle religion réformée prend énormément d’importance en Agenais. Les villes de Tonneins, Clairac, Aiguillon, Port-Sainte-Marie lui sont rapidement acquises. Seule, Marmande reste fidèle à la religion catholique malgré les pressions exercées par les deux puissantes familles voisines : les Albret de Nérac et les Durfort de Duras.

Le 28 mars 1565, le jeune roi Charles IX arrive à Marmande par voie de fleuve. Il est accompagné par la Régente, Catherine de Médicis, du prince Henri (futur Henri III) de Marguerite de France (Future Reine Margot), du très jeune Henri de Navarre, du connétable Anne de Montmorency. En avril de la même année, à Bordeaux, il confirme les privilèges de Marmande.

De 1562 à 1598, la France vit une grande tension semée de conflits; on les appellera les Guerres de Religion.

Marmande, de plus en plus, se trouve isolée dans la région. Désormais, toutes les villes des alentours sont protestantes : Sainte-Bazeille, Duras, Caumont, Gontaud, Clairac, Tonneins…

Notre ville reste attachée au roi et à sa foi catholique. Elle devient le camp de base des troupes de Blaise de Monluc venues pacifier la région au nom du souverain français. Cependant, au cours de coups de main, le couvent des Cordeliers est envahi par deux fois, en 1561 et en 1569 par les Huguenots. Ils brûlent les bâtiments et tuent les moines. Le cloître de l’Eglise Notre-Dame construit en 1540, et son cimetière sont profanés.

Enfin, en 1576 et en 1577, Henri de Navarre, chef des Huguenots et futur Henri IV se présente devant Marmande qui refuse d’ouvrir les portes de la ville. Les protestants assiègent Marmande mais en vain.A cette époque, Marmande demeure encore une ville puissamment fortifiée, capable de résister à n’importe quel siège.

En 1594, quand Henri IV, roi de France et de Navarre, abjure la confession protestante il confirme les privilèges octroyés par les Coutumes de la ville et c’est à ce moment là seulement, que Marmande se soumet au nouveau Roi de France.

Marmande au XVIIème siècle, la Fronde et la peste

Malgré l’assassinat du roi Henri IV le 10 mai 1610 qui jette un trouble important auprès de la population, le siècle s’annonce calme pour Marmande avec un renouveau religieux qui fait appeler Marmande « Marmande la Sainte ». Une suite de reconstruction et de fondation se produit : en 1607, le couvent des Cordeliers renaît des cendres des Guerres de Religion, en 1609, les Capucins fondent leur couvent; en 1629, c’est au tour des Carmes de venir s’implanter dans la cité. L’année 1644, voit l’installation des Ursulines et enfin en 1645, c’est la fondation du Couvent des Dames de Saint-Benoît.

Vers 1652, la France va se diviser par la rébellion des Parlements et d’un certain nombre de « grands » contre l’autorité du roi, c’est la Fronde. Marmande connaît alors un mouvement de grands personnages et de troupes : le Prince de Condé s’y rend le 12 novembre 1649 pour s’assurer de la fidélité de la ville, en décembre 1649, c’est le Prince de Conti qui arrive en compagnie du Duc de la Rochefoucault, le Comte d’Harcourt vient en mai 1652. Une menace plane sur la ville et sur l’Agenais; la peste, de nouveau dans les murs de la ville. Les morts ne cessent d’augmenter mois après mois. En octobre 1653, on compte déjà 194 décès pour une population de 3500 habitants. Les consuls devant la peur de bloquer les relations économiques de leur ville restent silencieux. Ils ne prennent aucune décision et la peste s’installe de plus en plus. Les gens riches fuient Marmande et une bonne partie se réfugient à Beaupuy .

Si on fait un rapide bilan la peste a fait en 1654, 786 victimes ce qui est considérable.

Après la peste, un autre événement va marquer la mémoire des marmandais, il se produit le 17 juin 1672 avec l’explosion de la flèche gothique de Notre-Dame due à un violent orage. La foudre tombe sur le clocher qui abrite les réserves de munitions et la poudre à canon de la ville.. On dénombre une vingtaine de morts, des maisons riveraines écroulées, les voûtes du choeur effondrées causant d’importants dégâts dans la cinquième et la quatrième travée. Les marmandais sont atterrés. Les travaux de reconstruction commencent le 14 juillet 1673 et s’achèvent le 30 avril 1675, ils sont confiés à l’architecte bordelais Lespérance.

Le dernier fait marquant de ce siècle est l’installation le 10 janvier 1676 du Parlement de Guyenne à Marmande. Ce parlement fut créé en 1451 à Bordeaux. En quelque sorte, Marmande devient la capitale de la Guyenne jusqu’en 1690, date à laquelle le Parlement déménage pour La Réole.

Le temps des calamités

Le XVIIIème siècle s’ouvre sur une période difficile, en effet, de fortes gelées se produisent en janvier puis se poursuivent en février 1709. La Garonne et le Lot sont pris par les glaces rendant le trafic fluvial impossible, les marchandises ne circulent plus. Marmande, comme nombre villes de l’Agenais connaît un hiver glacial; le vin gèle dans les barriques, le froid intense entraîne la mort de presque toute la faune (oiseaux, gibier…). Le bétail périt dans les étables. Une partie de la population de la ville, surtout les plus faibles, enfants et vieillards disparaissent. La disette s’installe laissant la population dans la plus grande misère. Elle recommence en 1773 à tels point qu’en 1774, l’Intendant de Guyenne demande à l’évêque d’Agen de faire dresser une liste par les curés du diocèse de tous les miséreux. A Marmande, la proportion des habitants se livrant à la mendicité dépasse le quart parfois la moitié des habitants. En accord avec les Consuls de la ville, l’Eglise organise « le bouillon des pauvres » afin d’alimenter la population affamée.

Les plus pauvres mais encore valides s’exilent parfois jusqu’en Amérique car depuis quelques années des pays et des îles d’Amérique sont nouvellement conquis par la France. De plus, il faut souligner que l’engagement de celle-ci dans la Guerre d’Indépendance Américaine aux coté des américains entre 1776 et 1783 encouragent les marmandais à partir.

En ce début de siècle le tableau qu’offre Marmande est sombre : misère, mendicité, insuffisance de la charité et de l’assistance publique, vagabondage, pillage et brigandage sont le lot quasi quotidien que doivent subir la population.

Un fait marquant va soulever la colère de toute la région et aggraver la misère; en 1719, Law et la très puissante Compagnie des Indes obtinrent la Ferme du Tabac puis le monopole de son commerce mais surtout le droit d’en faire interdire la culture partout où elle est autorisée depuis 1674. Ce privilège porte un coup fatal à toute la Guyenne, grande productrice de tabac, sacrifiée à l’hypothétique et lointain développement de la Louisiane. Dans tout l’Agenais comme à Marmande tous les semis sont détruits en 1720. L’émotion est vive parmi les « cultivants ». Ces mesures plus qu’arbitraires provoquent la ruine des agriculteurs marmandais. Quelques-uns se tournent vers la culture du chanvre ce qui entraînent la création de véritables quartiers de cordiers, installés en bordure de la Garonne afin de rouir le chanvre plus facilement. Ces corderies fonctionnent jusqu’à l’apparition des bateaux à vapeur dans le deuxième quart du XIXème siècle.

En 1774, on constate que la misère est encore extrême, le nombre de mendiants d’indigents, de vagabonds est considérable, on recense à cette période à Marmande 1147 pauvres soit plus d’un cinquième de la population.

La disette provoque des troubles importants, la colère du peuple grandit. Les bateaux chargés de blé qui descendent la Garonne sont littéralement pillés, les voies fluviales deviennent de véritables coupe-gorge.

Le temps des calamités n’est pas encore fini, après plusieurs hivers « sibèriques », après de nombreuses disettes, maintenant s’abat une épidémie d’épizootie provoquée par des peaux infectées venues d’Espagne. La plupart du bétail à grosses cornes, les chevaux, les ânes, les mulets, périssent de cette maladie, le ravage dans tout le sud-ouest est inestimable.

Malgré tous ces fléaux, Marmande va voir passer dans ses murs de puissants et hauts personnages : en mars 1722 les ducs de Berwick et de Duras résident chez Monsieur Bayle de Fonpeyre, en août c’est au tour du Duc de Saint-Simon de retour d’Espagne où il avait négocié en vain les contrats de mariage du jeune roi Louis XV avec l’Infante et celui du Prince des Asturies avec Mademoiselle de Monpensier, fille du Régent.

En 1776, le Duc et la Duchesse de Chartres se rendant à Toulon, s’arrêtent à Marmande passer la nuit. L’année suivant c’est « Monsieur », frère du roi, futur Louis XVIII qui y fait un court séjour.

Vers 1777 se réalisent quelques travaux modifiant le paysage urbain de Marmande. Sur décisions des consuls, on commence à démolir deux anciennes portes de la ville qui menacent ruines, progressivement les fortifications de la deuxième enceinte disparaissent, sauf celle longeant l’actuel boulevard Richard-Coeur-de-Lion. On commence l’aménagement des allées des Tilleuls sur l’emplacement des murailles en ruines. L’assainissement s’opère par une domestication des nombreux ruisseaux qui traversent la ville. On éloigne également le bras de Garonne qui coule aux pieds des remparts Sud.

La population, au milieu du XVIIIème siècle est de 931 feux ce qui donne approximativement 3700 habitants..

La ville de Marmande après toutes ces épreuves n’est pas riche; elle a perdu sa puissance économique qui datait de l’époque médiévale. En 1778, la municipalité est contrainte de créer des « ateliers de charité » pour donner du travail aux marmandais en leur faisant réparer les rues, les routes, les fontaines, les murailles…

Comme en 1777, Marmande connaît de nouveau en juin et novembre 1786, deux crues particulièrement importantes de la Garonne; celles-ci, ravagent toute la campagne qui commence à se relever et emporte le port de Coussan.

En cette fin de siècle, venant de Paris, se font entendre après les Etats-Généraux de 1788, les bruits de fureur qui doivent amener la Révolution Française et abattre la monarchie.

A cette époque Marmande devient le chef lieu d’un district de 40 communes. Il est administré par un directoire de six membres dont l’Agent National et un Conseil. Le Maire Jacques Blaise de Colombet préside le Conseil Général de la Commune. Il est arrêté et emprisonné avec sa famille en août 1793. Mars 1793 voit la création du Comité de Surveillance composé de 12 membres et en avril de la même année, un Comité de Sûreté Générale de 6 membres.

Fort heureusement la guillotine ne fonctionne que fort peu : Madame la Comtesse de Marcellus est guillotinée en 1792 pour l’exemple. François Rives-Moustier revient à Marmande malgré la loi frappant les exilés.Il est emprisonné le 16 janvier 1793, jugé le 24, puis de nouveau jugé le 10 mai 1793. Le 11 mai François Moustier, seigneur de Rives est exécuté.

On transforme le Couvent des Dames de Saint-Benoît et le Couvent des Annonciades en prison d’Etat. On compte à cette époque 81 suspects, 50 hommes et trente et une femmes dont trente bourgeois, dix neuf nobles de Marmande, de Marcellus, Meilhan, Sainte-Bazeille, Beaupuy, Castelnau…tous retrouvent la liberté après la chute de Robespierre. Le couvent des Ursulines devient également une prison ainsi que le siège du Directoire Révolutionnaire, la Terreur s’empare de Marmande.

A la fin de la Révolution Française, Marmande a déjà accru ses potentialités industrielles alliées avec un commerce fluvial de nouveau florissant, permettant à l’économie marmandaise de préparer les grands défis du XIXème siècle aux bouleversements sans précédents.

Le XIXème siècle, ouvre l’ère des grandes voies de communication en entraînant la modernisation de Marmande

Le Département de Lot-et-Garonne est créé entre 1790 et 1791. Marmande par la Loi du 28 pluviose an VIII (17 février 1800) devient Sous-Préfecture. Pierre Lamarque-Plaisance est le premier sous-préfet de 1804 à 1816. La nouvelle Sous-Préfecture s’ installe dans les anciens bâtiments du Couvent des Dames de Saint-Benoît.

La municipalité est installée dans l’antique maison de ville de la rue Cazeaux depuis 1435, date à laquelle la maison de ville et les archives qui se trouvent entre la porte de Troussepis et le château soient emportées par une crue de la Garonne. Au cours des siècles, celle-ci est devenue plus que vétuste. Désormais, la municipalité se doit d’acquèrir un immeuble plus en rapport avec les nouveaux statuts administratifs de la ville.

Par décision du Conseil Municipal sous la conduite de son maire Lalyman , en 1805, la Ville demande au Gouvernement avec l’appui du Préfet, la concession de la vieille église du Couvent des Cordeliers désaffectée, de ses dépendances et terrains. Ce site étant au centre ville correspond bien à l’idée de la municipalité d’y bâtir un immeuble pouvant accueillir tous les services publics, facilitant ainsi, les démarches des marmandais.

Après bien des retards dus à la conjoncture qui n’est pas bonne, puis aux projets utopiques et pharaoniques de l’architecte départemental Combes, le projet s’arrête. A la mort de Combes en 1818, c’est le nouvel architecte Alexandre Poitevin qui reprend le dossier. Les travaux commencent en 1823 et s’achèvent en 1827. L’architecte Alexandre Poitevin favorise le développement du deuxième néoclassicisme bordelais à Marmande et nombre d’immeubles en témoignent encore.

Désormais, Marmande, doit ouvrir de grandes voies de communication afin de développer son économie.

En 1827, le premier bateau à vapeur, venant de La Réole arrive à Marmande.

La première ligne régulière fluviale reliant Bordeaux à Toulouse est inaugurée en 1830, c’est l’Omnibus faisant 25 mètres de longs qui assure donc le transport des passagers et des marchandises en 16 heures. avec une escale à Marmande. Le dernier bateau à vapeur s’arrête en 1923.

Tout va aller très vite, en 1834, s’installe le télégraphe sur les coteaux de Beaupuy, la même année, voit la création de la première ligne ferroviaire Bordeaux-Montpellier.

En 1838, c’est la construction du premier pont de Marmande qui va permettre à la ville de s’ouvrir vers le Sud et de faciliter ses échanges économiques. Ce pont s’effondrera le 4 janvier 1930. Il sera immédiatement reconstruit de mai 1930 à novembre 1932.

1852, les frères Péreires, fondateur de la Compagnie du Midi ouvre une nouvelle ligne Bordeaux-Sète, trois ans plus tard, c’est la ligne Bordeaux-Tonneins, 1855, voit aussi la construction de la première gare de Marmande.

1886 c’est la ligne Marmande-Angoulême puis en 1891, la ligne Marmande-Mont-de-Marsan est inaugurée.

Dés 1838, les travaux de construction du Canal Latéral à la Garonne sont commencés. Il sera ouvert à la navigation en 1854. Cet ouvrage remarquable qui en se raccordant au Canal du Midi datant du XVIIème siècle, permet de relier par voie fluviale l’Atlantique à la Méditerranée, facilite le fret des marchandises qui se fait par péniches. Ce trafic durera jusqu’au milieu du XXème siècle.

Au milieu du siècle, un marmandais issu d’une très ancienne et riche famille, Charles Boisvert, Maire de Marmande de 1858 à 1870, va insuffler durant douze ans un air de modernisme à sa ville.

Il fait niveler le champ de foire et de ce fait les allée Gambetta sont aménagées, puis la même année en 1858, il intervient auprès de l’Administration des Tabacs afin que soit créé un magasin de feuilles de tabac qui finalement ne sera construit qu’en 1884 par l’architecte Clugnet.

Afin de dégager la façade Ouest de l’église Notre-Dame de Marmande, il achète l’antique demeure des Drouilhet de Sigalas qui la masquait puis la fait démolir afin de créer la place du Prieuré, aujourd’hui Parvis Jean XXIII.

Le 4 octobre 1868, il propose à son Conseil Municipal de construire une usine à gaz et à eau. Il estime que les activités industrielles et commerciales de la commune doivent être confiées au secteur privé aussi fait-il décider que le service sera exploité en fermage. Marmande est donc équipée d’un réseau de distribution d’eau potable utilisant la galerie de captation de la Fontaines des Ladres juste derrière le siège de l’actuelle Subdivision. E.D.F/G.D.F. et d’un réseau de distribution de gaz. Cet ensemble de réseau de distribution fait de Marmande une des villes les mieux équipées du Sud-Ouest.

Vers la fin du siècle dans les années 1886, on édifie le nouveau marché couvert en fonte et verre dans le goût du style « Baltard » qui remplace la halle qui datait du XVIIème siècle.

Désormais, Marmande s’est dotée de toutes les infrastructure qui doivent lui permettre d’affronter le XXème siècle mais les deux guerres mondiales freineront pour quelques années sont développement

Nous terminerons cette histoire simplifiée avec l’évocation de la Garonne si intimement attachée à Marmande.

Dés l’époqe préhistorique, l’homme comprend les avantages qu’il peut tirer de ces « routes qui marchent » que sont les rivières. La Garonne, troisième fleuve de France a toujours été un axe essentiel de communication au sein du Bassin Aquitain. Toutes les grandes migrations de populations se font le long du fleuve.

L’archéologie sub-aquatique, nous donne la preuve grâce aux « trésors de Garonne » de l’intense circulation à l’époque romaine.

La Ville de Marmande s’identifie totalement à son fleuve, baignée au Sud par un large bras de la Garonne. Elle connaît depuis le VIIème siècle jusqu’au XXème siècle, une activité portuaire importante. On peut sérieusement dénombrer 11 ports : le port de la rivière (d’origine mérovingienne) Le port de Granon (VIIème au IXème siècle), le port de Pailleys (VIème VIIème siècle), le port du Carroussel (XIVème XVème siècle), le Port de la Filhole et le Port de la Ville (époque médiévale – XIIème XIIIème siècle), le port de Larget et le port des Capucins (XIIIème au XVIIIème siècle), le port de Coussan, emporté par une crue de la Garonne en 1784, le premier port de la Grave (XIIIème au XIXème siècle), le deuxième port de la Grave, (XIXème XXème siècle).

Tous les ports de Marmande se situent à hauteur des zones critiques pour la navigation; les rapides, les graviers, les bras d’eau, là où l’on peut avoir besoin de renfort d’hommes pour arracher le bateau à la violence du courant.

On y trouve également nombre de moulins qui fonctionnent avec la force motrice du fleuve.

Marmande connut une activité commerciale importante liées au fleuve pour le transport des passagers, du blé, du vin, du chanvre, des cordages, du sucre et des épices des Antilles qui arrivent de Bordeaux, du stockfisch … Une population entière travaille autour de la Garonne, on les appelle les « gens du fleuve ». Ils sont réparties dans plusieurs quartiers formant de véritables petites villes : Coussan, le quartier Labat… Au sein de cette communauté, existe une véritable hiérarchie formant des castes qui ne se mélangeaient pas : les mariniers, aux moeurs faciles sont des nomades, ils vont de port en port offrir leurs bras, les charpentiers de bateaux sont des artisans respectés pour leurs connaissances, leur savoir faire, hors saison, ils travaillent leurs terres, les maître de bateaux, c’est l’échelon supérieur de la hiérarchie, les véritables seigneurs du fleuve. Ils finissent leur carrière comme négociants, ils sont installés rue Porte de la Grave, rue Touratte, rue de l’Observance, rue Pasteur, rue de la Rose, là, où le fleuve ne peut pas inonder les maisons et les entrepôts.

Au cours des siècles, on peut parler de familles homogènes entièrement vouées au métiers du fleuve mais on ne trouve aucun maître de bateaux comme bourgeois de la Ville.

Ainsi, Marmande, compte 15 familles qui forment à elles seules l’essentiel des « gens du fleuve ». Ces familles occupent tous les métiers liés à cette économie : maître de bateaux, personnel de bord, charpentier de bateaux, cordiers, pêcheurs, filatiers, meuniers, passeurs, péagers, gardes de la navigation.

D’après l’œuvre de Jean Condou

Histoire de Marmande ( suite)